Le style Thieulâm

HISTOIRE DES STYLES

LE THIEULÂM 

Auteur :
Taïjaoshe CERVANTEZ

Généralités sur l’historique de l’Art Martial au Vietnam

Contrairement à ce que l’on peut rencontrer en Chine, il existe très peu de comptes-rendus sur l’historique de l’Art Martial vietnamien, peut-être tout simplement parce que la diffusion des différents styles qui le compose reste encore aujourd’hui assez confidentiel en dehors du Vietnam. Les termes employés aujourd’hui en occident pour désigner les groupements qui dispensent un enseignement du Vo (pratique martiale) sont de création récente, du moins dans leur association (Viet Vo Dao, Qwan Ki Do, Vô Vietnam…). 
Au Vietnam, l’appellation la plus utilisée était celle de Vo-thuat qui désigne « l’art de pratiquer les techniques martiales ».
 
Jusque dans les années 1950, le Vô est resté, avant tout, le fait de « Maîtres de villages » qui n’enseignaient qu’à un nombre réduit d’élèves. Il s’agissait aussi parfois d’une pratique effectuée dans le cadre familial par des familles aisées qui conservaient jalousement les techniques de leur école à l’exclusion de toute autre personne. D’autre part existait aussi une pratique plus disparate qui était le fait de comédiens ambulants, de moines itinérants ou de guérisseurs et marchands ambulants de plantes médicinales traitées selon le mode traditionnel.
 
Ce rapide tableau nous montre combien la pratique du Vo, jusqu’à une époque toute récente, était bien éloignée de ce que nous connaissons aujourd’hui. Il ne s’agissait alors pas d’une simple passion (et encore moins d’un loisir !) mais bien d’un enseignement fait par tradition et par nécessité pour les villageois ou ambulants divers qui devaient parfois affronter des bandits ou des pirates au prix de leur vie.
 
Cette disparité dans la pratique explique, pour une part, le fait qu’il y ait tant d’écoles, de styles, elle permet aussi de comprendre pourquoi il existe des appellations différentes, souvent imagées, pour une même technique. A une époque où le répertoire technique d’une école devait rester secret, il était normal que les Maîtres cherchent à dissimuler leur savoir pratique et théorique derrière une nomenclature imagée, sinon poétique qui ne dévoilait pas (sauf pour l’initié) le mécanisme de la technique ni son application. Les rares documents écrits l’étaient d’ailleurs le plus souvent en caractères chinois ou sino-vietnamiens et ne pouvaient donc être déchiffrés que par de rares lettrés.
 
Ceci nous amène à discuter du rapport entre le Vo et la boxe chinoise.

Influences réciproques de l’Art Martial vietnamien et chinois

Souvent le Vo est cité en référence aux Arts Martiaux chinois comme s’il n’en constituait qu’un sous-produit. Or le Vo est intimement lié à l’histoire du peuple vietnamien qui sut, à travers de dures épreuves, le rendre toujours plus performant en le remodelant sans cesse.

Néanmoins, il est tout aussi indéniable que les arts du poing chinois ont influencé la pratique martiale vietnamienne (comme ils l’ont fait pour d’autres pays asiatiques) et que certaines écoles vietnamiennes anciennes (THIEU LAM, BACH MY PHAI…) ou actuelles (QWAN KI DO, école HOANG-NAM) trouvent directement leurs sources en Chine.

Nombreux furent les Maîtres chinois à s’installer au « Pays du Sud », mais tout aussi nombreux furent les Maîtres vietnamiens à effectuer une pérégrination martiale en Chine.

Les relations avec la Chine, qui remontent à des temps lointains, ont donné de meilleurs résultats sur le plan de l’échange culturel par région historique et géographique. En effet, au Vietnam sont plus diffusés les styles d’origines chinoises dans les villes comme HO CHI MINH CITY (Saigon) dans lesquelles est présente une forte immigration chinoise.

Une des principales vagues d’immigration se vérifia à partir de la seconde partie de XVII siècle, avec l’avènement au pouvoir de la dynastie CHING (1644), d’origine Mandchoue, et fut constituée principalement par les soutenants à la dynastie MING déchue.

Le dernier flux migratoire se déroula entre la fin des années 30 et les années 50 du XX siècle, dans un premier moment à cause de la guerre sino-japonaise (1937), et successivement à cause des dramatiques évènements qui portèrent à l’arrivée au pouvoir de MAO (1949).

La présence des Maîtres chinois a une influence importante sur l’évolution des styles autochtones, mais d’autres parts les styles chinois en terre vietnamienne ont subis un processus de « vietnamisation » qui les ont différenciés des enseignements originaires.

On peut cependant noter la propension des styles sino-vietnamiens à s’organiser autour de communautés d’origine strictement chinoise. Ainsi, même s’il n’existe pas au Vietnam d’association regroupant les arts martiaux sino-vietnamiens au niveau national, on peut trouver des associations locales qui regroupent des pratiquants provenant de différentes zones de la Chine, (Canton, Shanghai…).

A HO CHI MINH CITY (Saigon), par exemple, chaque groupe ethnico linguistique a sa propre école et sa propre salle d’entraînement. Il existe en outre l’association TINH VO MON (La porte du magnifique Art Martial), née de l’idée d’unifier différents groupes ethniques, dans laquelle se pratiquent principalement les styles du Nord Vietnam.

Pour donner une idée du style d’échange martial qui a pu se produire entre la Chine et le Vietnam, on peut rapporter le cas du style THIEU LAM CHU GAI.

Le THIEU LAM CHU GAI (SHAO-LIN ZHOU GAR, de la famille ZHOU) fait parti des systèmes de combat à qui il est possible d’attribuer la dénomination générique de « style du sud ».

La naissance du style CHU GAI est due au Maître CHU LONG, né durant la moitié du XIX siècle dans un village des alentours de Canton. Après avoir pratiqué le style HUNG GAR sous la conduite de son oncle pendant 5 ans, il s’installe à Singapour, où il rencontre un moine, Maître de CHOY GAR, avec lequel il s’entraîne pendant 7 ans.

Le Maître CHU LONG retourne ensuite dans son village natal, où il ouvre une école d’Arts Martiaux, dans laquelle il enseigne une synthèse des 2 styles, c’est ainsi que naît le style CHU GIA.

L’Art Martial vietnamien migre en France

Les années 1950 à 1970 voient l’exode d’une partie de la population vietnamienne fuyant les guerres et privations.

A l’instar de ce qu’on a connu quelques années auparavant avec les migrants chinois, on parlera de diaspora vietnamienne formant des communautés très fermées dans les différents pays occidentaux.

Parmi cette population, des Maîtres ayant fuit leur pays se mettent à enseigner, d’abord à d’autres Vietnamiens, puis les années passant, à des pratiquants occidentaux.

Historiquement, les liens liant la France au Vietnam en ont fait une terre d’accueil privilégiée et ce n’est donc pas un hasard si ce sont des ressortissants vietnamiens de cette époque qui développèrent l’Art Martial sino-vietnamien, voire chinois, dans notre pays.

On peut citer quelques Maîtres ayant marqué cette époque :

Maître NGUYEN TRUNG HOA

1914 – 1975

Il débute son apprentissage par le THIEU LAM avant d’étudier d’autres styles vietnamiens ainsi que des pratiques taoïstes. Emigré en France durant la seconde guerre mondiale, il commencera à enseigner dans les années 50 le KARATE. En 1965 avec un groupe de Maîtres vietnamiens, il crée le VODA Club pour « se sentir comme là bas au Vietnam » mais ce n’est qu’à partir des années 70 qu’il enseignera ouvertement les techniques de combat vietnamiennes à des élèves occidentaux.

Maître PHAM XUAN TONG

1945 – 

Élève du célèbre Maître vietnamien DAI SU CHAU QUAN KY, il apprend différents styles dont le THIEU LAM NAM PHAI. Auprès de son grand-père, il se perfectionne dans la pratique d’anciens styles vietnamiens. En 1968 il doit se rendre à contre cœur en France pour terminer ses études. Il y enseigne l’Art Martial jusqu’à réaliser en 1981 sa synthèse personnelle, le QWAN KI DO. Il est aujourd’hui détenteur du 9e Dan FFKDA et réside dans le Sud de la France.

Maître HOANG NAM

1932 – 1992

Considéré comme le précurseur du Kung-fu en France, il commence pourtant son enseignement, comme d’autres Maîtres vietnamiens, en transmettant des techniques de KARATE. Sa formation initiale comprenait le THIEU LAM, appris auprès du Grand Maître WONG TSE. Il formera durant sa vie de nombreux élèves qui ne sauront pas toujours par la suite lui rendre hommage, préférant sans doute se réclamer d’un enseignement plus directement chinois…

Sijo N’GUYEN PERSON

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Emigré du Vietnam dans un premier temps en Suisse avant de rejoindre la France, il reçoit un enseignement traditionnel dans le style THIEU LAM par son oncle. Cet enseignement sera complété par l’étude des principaux styles du sud de la Chine très proches techniquement du THIEU LAM. Dans la fin des années 1970 il ouvre une école à Lyon prémisse de la future école du PHENIX. En 1992, il forme le « Cercle THIEU LAM », fédération de l’ensemble des écoles de son style.

Reconnaissant sans hésitation son attachement à l’origine chinoise de son Art, (Shaolin, Siulam, Thieu lam, 3 mots pour un même Art !), il est un des acteurs prépondérants dans l’avenir du Kung-fu Français.